1609/2019 20h34. J'ai constatĂ© ce jour que deux techniciens d'une sociĂ©tĂ© mandatĂ©e par Orange installaient un boitier sur ma façade afin que mon voisin puisse bĂ©nĂ©ficier de la fibre. Aucune autorisation ne m'a Ă©tĂ© demandĂ©e, ni par ces techniciens ni par Orange. C'est inacceptable.kbwills PropriĂ©tĂ© privĂ©e ou publique ?Du gazouillis au grondement, les bruits dâeau sâĂ©coulant dans une riviĂšre ou un torrent jouent une gamme presque infinie. Ăcouter sâĂ©couler le temps au rythme de lâonde incessante dâune riviĂšre est un luxe dont profitent au quotidien tous ceux dont la propriĂ©tĂ© jouxte un cours dâeau. Mais cet enchantement entraĂźne des devoirs qui diffĂšrent selon la catĂ©gorie des cours dâeau les domaniaux qui appartiennent Ă lâĂtat et les privĂ©s dont le lit est la propriĂ©tĂ© des en connaĂźtre le classement avec certitude, adressez-vous Ă la police de l'eau Ă la direction dĂ©partementale des territoires DDT. Ainsi, sâil sâavĂšre que le cours dâeau qui traverse votre propriĂ©tĂ© ne relĂšve pas du domaine public de lâĂtat, il est prĂ©sumĂ© vous appartenir. Ce qui est le cas pour plus de 97 % dâentre la riviĂšre traverse votre terrain, son lit vous appartient en totalitĂ©. En revanche, si elle sĂ©pare votre propriĂ©tĂ© de celle de votre voisin, son lit appartient pour moitiĂ© aux propriĂ©taires de chaque rive opposĂ©e, suivant une ligne imaginaire tracĂ©e au milieu du cours dâeau article L. 215-2 du Code de lâenvironnement. Si, au fil du temps, le lit de la riviĂšre se dĂ©place, la ligne sĂ©parative suit le quâelle soit issue dâun cours domanial ou privĂ©, lâeau reste ce que lâon appelle une "chose commune", en ce sens quâelle nâappartient Ă personne en particulier. Son usage est ouvert Ă tous comme le rappelle lâarticle L. 210-1 du Code de lâenvironnement qui la qualifie de "partie du patrimoine commun de la nation". Chacun reste donc libre de puiser de lâeau Ă condition de limiter son utilisation Ă un usage domestique comme lâarrosage du jardin ou le nettoyage de la voiture. Attention Ă ne pas tarir le cours de la riviĂšre ni Ă la polluer !Une obligation dâentretienChaque propriĂ©taire riverain dâun cours dâeau privĂ© est tenu Ă son "entretien rĂ©gulier" article L. 215-14 du Code de lâenvironnement. Pour autant, vous nâĂȘtes pas libre dâentreprendre ce que vous voulez. Cet entretien doit laisser libre lâĂ©coulement naturel des eaux tout en favorisant le bon dĂ©veloppement de la faune et de la flore dans et aux abords du cours dâeau. Vous ĂȘtes tenu dâĂ©liminer les dĂ©bris et autres amoncellements vĂ©gĂ©taux, flottants ou non, de couper et dâĂ©laguer la vĂ©gĂ©tation des rives. GĂ©nĂ©ralement, un simple entretien manuel attention ! Un cours dâeau forme un milieu naturel complexe. Toute intervention doit donc ĂȘtre prĂ©alablement rĂ©flĂ©chie afin de ne pas risquer de dĂ©truire lâĂ©quilibre de cet Ă©cosystĂšme. Il faut utiliser des mĂ©thodes adaptĂ©es qui ne soient pas trop agressives, conseille Claire-CĂ©cile Garnier, chef du bureau de la ressource en eau et des milieux aquatiques au ministĂšre de la Transition Ă©cologique et solidaire. Elles peuvent varier dâune riviĂšre Ă une autre ». Câest pourquoi, avant de dĂ©marrer les travaux dâentretien, vous avez intĂ©rĂȘt Ă demander conseil Ă un agent de la police de lâeau Ă la Direction dĂ©partementale des territoires, poursuit Claire-CĂ©cile Garnier. Il vous renseignera Ă©galement sur la meilleure pĂ©riode pour y procĂ©der. Quelques bons rĂ©flexes sont, par ailleurs, Ă connaĂźtre. Dâabord, pensez Ă Ă©liminer les embĂącles qui peuvent former des bouchons et favoriser les inondations. Ăviter Ă©galement de planter des arbres inadaptĂ©s le long des rives. Par exemple, les peupliers ont des racines trop superficielles pour tenir les berges ».Des contrĂŽles par la communeLa commune ou le groupement de communes ou le syndicat intercommunal est chargĂ©e de sâassurer que vous lâavez effectuĂ©. Faute de quoi, vous recevez un courrier vous mettant en demeure de rĂ©aliser les travaux sous un certain dĂ©lai. Si vous ne vous exĂ©cutez pas, la commune le fera Ă votre place et portera Ă votre charge les frais engagĂ©s article L. 215-16 du Code de lâenvironnement.En contrepartie de cet entretien, vous pouvez utiliser les pierres, le gravier, la vase et le sable de la riviĂšre, Ă condition que les prĂ©lĂšvements que vous opĂ©rez ne modifient pas le rĂ©gime des eaux. Un conseil pour rĂ©duire le coĂ»t de cet entretien si vous ĂȘtes plusieurs riverains dâun mĂȘme cours dâeau, regroupez-vous en association syndicale afin dâobtenir des aides financiĂšres de lâĂtat ou des collectivitĂ©s dâun cours dâeau domanial est, lui, intĂ©gralement Ă la charge de lâĂtat. Seule contrainte du propriĂ©taire du terrain qui le borde laisser passer les entreprises de nettoyage et dâĂ©lagage, les agents chargĂ©s de la surveillance des travaux ainsi que les engins nĂ©cessaires. Et ce, pendant toute la durĂ©e du des bateaux quelles sont les rĂšgles ?Si le cours dâeau vous appartient, vous nâĂȘtes nullement tenu de laisser un passage le long des berges. Rien ne vous empĂȘche donc dâen interdire lâaccĂšs par une clĂŽture, une barriĂšre ou tout autre moyen. En revanche, vous ne pouvez pas vous opposer au passage de bateaux sur la riviĂšre ou empĂȘcher les nageurs de sây Ă©battre. Toutefois, ceux-ci ne peuvent accoster sur les rives sans votre revanche, si votre terrain longe ou est traversĂ© par un cours dâeau domanial, vous devez, cette fois impĂ©rativement, laisser lâaccĂšs, sur chacune des rives Ă un passage de 3,25 m, appelĂ© "servitude de marchepied" destinĂ© au passage des peut Ă©galement exister, sur une rive, une servitude de halage », destinĂ©e Ă lâorigine aux manĆuvres des bateliers. Bien que ce mode de traction soit tombĂ© en dĂ©suĂ©tude, le propriĂ©taire du terrain doit toujours laisser libre une bande dâune largeur cette fois de 7,80 m, plus 1,95 m sur lequel il est interdit de planter, soit au total 9,75 sâagisse dâune servitude de marchepied ou de halage, vous nâavez ni le droit de clore ce passage, ni dây planter, ni dây construire, ni dây entreposer quoi que ce soit. Sinon, outre une amende de 1 500 âŹ, vous risquez dâĂȘtre condamnĂ© Ă une remise en Ă©tat des lieux Ă vos frais ou Ă rembourser lâĂtat, si câest lui qui sâen droit pour les pĂȘcheursVous apprĂ©ciez les heures passĂ©es Ă taquiner le poisson ? Selon la nature du cours dâeau, cette joie vous est ouverte sous certaines dâun cours dâeau vous appartenant, vous pouvez a priori interdire aux amateurs de venir pĂȘcher sur vos rives. En revanche, si vous avez perçu des aides publiques qui couvrent plus de la moitiĂ© des frais que vous engagez pour lâentretien de la riviĂšre et de ses berges, vous devez laisser venir pĂȘcher gratuitement les membres de lâassociation agréée de pĂȘche et de protection du milieu aquatique AAPPMA pour cette section de cours dâeau ou, Ă dĂ©faut, les membres de la fĂ©dĂ©ration dĂ©partementale ou interdĂ©partementale des associations agréées de pĂȘche article L. 435-5 du Code de lâenvironnement.Les conditions exactes dâexercice de ce droit de pĂȘche sont fixĂ©es par arrĂȘtĂ© du prĂ©fet, pour cinq ans maximum. Pendant cette pĂ©riode, vous conservez le droit de pĂȘcher en famille ou avec vos proches, tous dĂ©tenteurs de la carte de long de tout cours dâeau domanial, le droit de pĂȘche appartient Ă lâĂtat. Celui-ci a le droit de le concĂ©der Ă une association agréée de pĂȘche, Ă laquelle vous devrez, le cas Ă©chĂ©ant, adhĂ©rer. La servitude de marchepied de 3,25 m permettra Ă leurs adhĂ©rents de pĂȘcher et de "stationner" sur les rives. Cette largeur peut parfois ĂȘtre rĂ©duite, par arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral, Ă 1,50 m si cela sâavĂšre suffisant. Vousenvoyez donc en consĂ©quence une lettre Ă votre voisin pour lui demander un droit de passage. Ce que dit la loi sur les servitudes de passage de terrains enclavĂ©s. Lorsqu'un propriĂ©taire dispose d'un fonds enclavĂ©, il peut contraindre son voisin Ă lui accorder une servitude de passage, en vertu de l'article 682 du code civil. Le fond
La publication de lâarticle dâAlain Bihr et Yannis Thanassekos, sous le titre La guerre en Ukraine, le rĂ©cit dominant et la gauche anti-impĂ©rialiste », a suscitĂ© de nombreuses rĂ©actions et objections, dont celle-ci, collective, publiĂ©e sur notre site. Ă ces critiques, Alain Bihr et Yannis Thanassekos ont souhaitĂ© rĂ©pondre par ce texte qui prĂ©cise et dĂ©veloppe plus longuement leur propos. *** Lorsque nous avons entrepris de rĂ©diger lâarticle intitulĂ© La guerre en Ukraine, le rĂ©cit dominant et la gauche anti-impĂ©rialiste »[1], nous poursuivions un double but. Il sâagissait, dâune part, dâalerter nos propres rangs sur le danger politique qui les menaçait du fait de la reprise, par certains de ses membres, du discours non seulement dominant mais quasi exclusif du moins dans lâespace public officiel sur la guerre en Ukraine, ses tenants et ses aboutissants, et, pis encore, du fait de leur ralliement au moins ponctuel et temporaire aux positions politiques subsĂ©quentes appui inconditionnel Ă lâUkraine, soutien militaire de la part de lâOtan, train de sanctions Ă©conomiques et financiĂšres Ă lâencontre de la Russie, etc. Mais, conscients de ce que lâĂ©vĂ©nement en question et la situation politique qui en rĂ©sulte sont complexes et instruits par des prĂ©cĂ©dents historiques similaires mais non pas identiques, nous tenions aussi bien Ă ouvrir un dĂ©bat avec ceux-lĂ mĂȘmes que cet article mettait en cause. En en faisant rĂ©agir certains dâentre eux, soit sous forme dâĂ©changes privĂ©s courriels, soit publiquement, nous avons au moins créé les conditions dâun tel Ă©change. Nous avons rĂ©pondu personnellement Ă chacun-e. Nous proposons ici une rĂ©ponse synthĂ©tique qui passera en revue leurs critiques les plus courantes et sâefforcera de rĂ©pondre Ă chacune dâelles, de maniĂšre Ă rendre publics les termes du dĂ©bat et Ă permettre Ă chacun-e de se prononcer. Nous les examinerons par ordre dâimportance croissant. 1. Plusieurs de nos critiques nous ont reprochĂ© de nâavoir pas dĂ©nommĂ© prĂ©cisĂ©ment les personnes, groupes, organisations, etc., dont nous avons critiquĂ© les positions. Lâun dâeux a mĂȘme estimĂ© que, ce faisant, il notre article prend la solution lĂąche de ne fĂącher personne ». Ce quâest venue dĂ©mentir la virulence de certaines des interpellations que nous avons reçues, dont la sienne propre au demeurant. En fait, nous avons dĂ©libĂ©rĂ©ment choisi de ne nommer personne pour quatre raisons. Dâune part, çâaurait Ă©tĂ© sinon impossible du moins difficile. Le nombre de ceux et celles qui ont exprimĂ© et continuent Ă exprimer les positions que nous avons attaquĂ©es est tel quâun article court comme celui que nous voulions Ă©crire pour quâil ait quelques chances de paraĂźtre ne pouvait se permettre de sâalourdir de citations en cascade. De surcroĂźt les positions que nous critiquions Ă©taient souvent tellement rĂ©pĂ©titives dâun texte Ă lâautre et dâune rĂ©action Ă lâautre, que tout recensement aurait Ă©tĂ© laborieux et scolastique. Dâautre part, la chose nous est apparue inutile. Et les rĂ©actions que nous avons enregistrĂ©es nous ont donnĂ© raison. Les principaux et principales intĂ©ressĂ©-e-s se sont reconnu-e-s sans peine dans les cibles que nous avions dĂ©signĂ©es, sans quoi ils et elles ne nous auraient pas rĂ©pondu â et surtout pas avec une telle hostilitĂ©. Câest donc que ces cibles Ă©taient aisĂ©ment identifiables sans avoir Ă ĂȘtre dĂ©nommĂ©es explicitement. De plus, nous avons eu le souci â et nous lâavons toujours â dâĂ©viter les querelles interpersonnelles qui virent trop souvent Ă la polĂ©mique stĂ©rile, tournant Ă la guerre des ego pour Ă©viter dâaborder les questions de fond. Les susceptibilitĂ©s froissĂ©es quâont manifestĂ©es certaines des rĂ©pliques reçues montrent que, lĂ encore, nous avons bien fait⊠Dâailleurs, une thĂšse vaut par son contenu propre dont fait partie son argumentation, non pas par la ou les personnes qui la dĂ©fendent, quels que puissent en ĂȘtre et le nombre et la qualitĂ©. Une erreur rĂ©pĂ©tĂ©e treize fois ne se transforme pas en vĂ©ritĂ© pour autant⊠Ajoutons enfin quâun certain nombre de nos critiques ont Ă©tĂ© et restent pour nous des camarades. Le fait de nâavoir pas voulu tomber dans la polĂ©mique, dâavoir dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©cartĂ© toute attaque ad hominem et toute formule condescendante ou blessante a Ă©galement rĂ©pondu au souci de sauver ce qui peut lâĂȘtre de cette camaraderie politique et de ne pas hypothĂ©quer lâavenir en Ă©veillant des animositĂ©s inutiles. Un souci que tous nos interlocuteurs nâont malheureusement pas tous partagé⊠Pour toutes ces raisons, nous continuerons Ă maintenir lâanonymat sans cependant nous priver de citer certains passages des messages que nous avons reçus, quand cela nous paraĂźtra utile ou quand cela sâavĂšrera nĂ©cessaire. 2. Certains de nos interlocuteurs nous ont Ă©galement reprochĂ© de nâavoir pas manifestĂ© de compassion Ă lâĂ©gard des souffrances endurĂ©es par les populations ukrainiennes ni dâadmiration pour leur rĂ©sistance hĂ©roĂŻque» dans le cadre de la juste guerre » quâelles mĂšnent contre lâagression russe â les seules choses qui semblent compter Ă leurs yeux embuĂ©s. Ce que lâun dâeux a rĂ©sumĂ© en qualifiant notre propos dâ abstrait », de dĂ©sincarnĂ© » en somme. Commençons par leur rappeler quâil est toujours aventureux de sâarroger le monopole du cĆur »⊠Car, finalement, qui a le plus de cĆur celui qui manifeste bruyamment de lâempathie avec les victimes ou celui qui cherche aussi rigoureusement que possible Ă dĂ©signer le ou les responsables ? Dâautant plus quâavoir du cĆur ne constitue en rien une garantie quant Ă la vĂ©ritĂ© de ce que lâon avance. Nous justifierons notre dĂ©faut apparent de cĆur par deux raisons. Dâabord par la volontĂ© de ne pas cĂ©der aux piĂšges de la contagion Ă©motionnelle. Car mettre en avant les horreurs de la guerre les destructions, les morts et les blessĂ©s, les victimes civiles, de prĂ©fĂ©rence femmes et enfants, les crimes de guerre, etc. ou lâhĂ©roĂŻsme dans la guerre, comme lâont fait massivement et continuent Ă le faire nos » mĂ©dias, est le moyen le plus efficace pour susciter ou, du moins, entretenir les effets dâeffroi et de sidĂ©ration que provoque la guerre, qui sont de puissants obstacles Ă toute rĂ©flexion Ă toute prise de distance par rapport aux Ă©vĂ©nements et aux affects quâils suscitent, sans laquelle aucune analyse ni aucune Ă©valuation rationnelle ne sont possibles. Ensuite, face Ă un Ă©vĂ©nement politique et quel Ă©vĂ©nement peut-il ĂȘtre plus politique que le dĂ©clenchement et la poursuite dâune guerre ?, Ă qui veut prendre position politique par rapport Ă lui, il est impossible dâen rester au stade du pathos de lâempathie pour les victimes et de lâadmiration pour leur rĂ©silience. Sauf Ă rĂ©duire le politique aux sentiments, Ă lâaffect et Ă lâhumanitaire. Face Ă une famine par exemple, faut-il se contenter de plaindre les affamĂ©s et ceux qui meurent de faim et en appeler Ă lâorganisation de secours sous forme dâacheminement et de distribution de nourriture, comme le proposeront la Croix-Rouge, les agences ad hoc de lâOnu, les ONG, etc. ? Ou une dĂ©marche politique nâimplique-t-elle pas, en plus ou indĂ©pendamment de cela, de rechercher les causes Ă©conomiques, sociales, politiques, etc., du phĂ©nomĂšne, quâelles soient internes au pays oĂč sĂ©vit cette famine ou quâelles se situent dans les rapports que ce pays entretient avec ses voisins et, plus largement, dans son inscription au sein de la division internationale du travail telle quâelle est façonnĂ© par le dĂ©ploiement mondial des rapports capitalistes de production sous lâaction conjuguĂ©e des entreprises transnationales, des Etats centraux, des organisations financiĂšres internationales Banque mondiale, FMI, etc. ? Câest mutatis mutandis ce que nous avons proposĂ© face Ă la guerre en Ukraine. Certes, nos opposants en ont fait autant, mais en rĂ©duisant leur analyse Ă la dĂ©signation de la Russie de Poutine comme lâunique ou du moins le principal coupable, ils nâont pas pu prendre volontairement et explicitement leur distance par rapport au pathos, confortĂ©s en cela par le discours dominant, vĂ©hiculĂ© par la quasi-totalitĂ© de nos » mĂ©dias et de lâensemble de nos » gouvernants. Une facilitĂ© qui nous Ă©tait interdite et que nous nous sommes prĂ©cisĂ©ment interdite. 3. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, il nous a Ă©tĂ© reprochĂ© dâoublier ce quâont Ă©tĂ© les positions prises par la gauche internationaliste et anti-impĂ©rialiste en des circonstances antĂ©rieures similaires, en soutenant les peuples agressĂ©s contre leurs agresseurs et en se portant Ă leur secours sans hĂ©sitation aucune. Et dâĂ©voquer, selon le cas ou tout dâun bloc, des contextes historiques aussi spĂ©cifiques et singuliers que celui de la guerre dâEspagne, une guerre civile aux dimensions internationales 1936-1939, celui des transactions de Munich, prĂ©lude Ă la Seconde guerre mondiale 1938-1939, celui de la guerre Ă la fois civile et internationale au Vietnam 1946-1975, celui de la guerre dâAlgĂ©rie impliquant une quasi guerre civile en mĂ©tropole 1954-1962, celui des guerres dâAfghanistan 1980-1989, 1996-2021, etc. mĂȘme sâils reconnaissent eux-mĂȘmes quâil y a des diffĂ©rences notables entre eux, ils les considĂšrent finalement comme des contextes aux enjeux transfĂ©rables non seulement de lâun Ă lâautre mais aussi similaires donc transfĂ©rables Ă ceux du contexte actuel de la guerre en Ukraine ! Nous pensons que procĂ©der de la sorte est commettre une erreur fonciĂšre de mĂ©thode. En effet, tout Ă©vĂ©nement historique est singulier et doit dâabord sâapprĂ©hender, sâanalyser et se comprendre dans sa singularitĂ© historique, en fonction de son contexte historique propre, lui mĂȘme singulier mĂȘme sâil peut relever de dĂ©terminations gĂ©nĂ©rales. Câest le sens de la fameuse formule lĂ©niniste il faut conduire une analyse concrĂšte de la situation concrĂšte »[2]. Ce nâest quâune fois cette analyse menĂ©e et sur les bases de ses rĂ©sultats que lâon peut procĂ©der Ă une comparaison entre cet Ă©vĂ©nement historique et dâautres, dâapparence semblable, pour dĂ©terminer ce quâils ont en commun et de diffĂ©rent. Or ce nâest nullement la dĂ©marche suivie par ceux de nos opposants, qui nous ont reprochĂ© de ne pas avoir rapprochĂ© lâactuelle guerre en cours en Ukraine de celles Ă©voquĂ©es plus haut, pour en dĂ©duire ce quâil fallait en penser et quelle attitude politique adopter en consĂ©quence. Eux ont mis la charrue avant les bĆufs ils sont partis dâun tel rapprochement a priori, sans sâĂȘtre donnĂ© prĂ©alablement la peine de se pencher sur lâĂ©vĂ©nement contemporain dans sa singularitĂ©. Autrement dit, ils ont plaquĂ© un schĂ©ma tout fait sur lâĂ©vĂ©nement en question, sur la base de similitudes apparentes qui peuvent ĂȘtre parfaitement trompeuses et qui, de fait, le sont pour une bonne part, comme nous allons le voir. En fait, la critique ici examinĂ©e prĂ©sente le mĂȘme dĂ©faut majeur que la prĂ©cĂ©dente lâabsence ou le dĂ©ficit dâanalyse de lâĂ©vĂ©nement. A cette diffĂ©rence prĂšs que les tenants de la premiĂšre pensaient pouvoir sâen dispenser au bĂ©nĂ©fice de lâintensitĂ© et de la sincĂ©ritĂ© de leur engagement pathĂ©tique tandis que les tenants de la seconde mais câĂ©taient quelquefois les mĂȘmes croyaient pouvoir ĂȘtre quittes de la nĂ©cessitĂ© de procĂ©der Ă une telle analyse en reprenant des schĂ©mas dâanalyse tout faits. 4. Dâune telle analyse concrĂšte de la situation concrĂšte», notre article donnait un exemple que nous livrions par cela mĂȘme Ă la discussion. Elle articulait deux affirmations connexes. Dâune part, lâactuelle guerre en cours en Ukraine ne peut se comprendre et sâĂ©valuer comme Ă©tant seulement ce qui implique quâelle est aussi ! un conflit entre la puissance impĂ©rialiste russe, cherchant Ă reconstituer lâespace de lâancienne URSS voire celui de lâancien Empire tsariste, et le jeune Etat-nation ukrainien nĂ© de lâĂ©clatement de feu lâURSS ; elle met aussi en jeu un conflit interimpĂ©rialiste entre lâensemble du bloc occidental, hĂ©gĂ©monisĂ© sous la conduite des Etats-Unis dans le cadre de lâOtan, et la Russie, qui trouve son origine dans la collision entre lâexpansion du premier en Europe centrale et orientale et la remontĂ©e en puissance de la seconde. Dâautre part, de ces deux conflits, le second surdĂ©termine le premier, en expliquant notamment pourquoi ce dernier a fini par conduire Ă la guerre, mais nây a conduit quâau terme de tout un processus dont nous avons rappelĂ© quelques-unes des principales phases[3]. Cette thĂšse reconnaissait donc dâemblĂ©e le caractĂšre complexe du conflit en cours, complexe en ce sens quâil combine deux conflits diffĂ©rents et quant Ă leurs dimensions et quant Ă leurs enjeux, que notre analyse se proposait de prĂ©ciser, dâarticuler et de hiĂ©rarchiser. Au vu du dĂ©roulement du conflit depuis lors, il convient dâailleurs de complexifier encore davantage lâanalyse puisque, manifestement, il est en train de fournir aux Etats-Unis les moyens de rĂ©affirmer et de renforcer leur hĂ©gĂ©monie relativement Ă leurs alliĂ©s europĂ©ens, donc de faire Ă©voluer en leur faveur le rapport de force lui-mĂȘme complexe qui les oppose Ă ces derniers, en faisant Ă nouveau passer au premier plan ses composants stratĂ©giques et militaires, plan sur lequel les premiers disposent dâune supĂ©rioritĂ© manifeste Ă lâĂ©gard des seconds. Et les Etats-Unis sont simultanĂ©ment gagnants sur le plan des consĂ©quences des sanctions Ă©conomiques et financiĂšres prises Ă lâencontre de la Russie et des contre-sanctions de cette derniĂšre en matiĂšre dâexportations de cĂ©rĂ©ales et de gaz notamment, qui frappent bien davantage les EuropĂ©ens que leur mentor amĂ©ricain. Câest prĂ©cisĂ©ment au nom de la complexitĂ© de ce conflit que nous nous sommes Ă©levĂ©s contre la simplicitĂ© en fait lâunilatĂ©ralitĂ© de ce que nous avons appelĂ© le rĂ©cit dominant », celui massivement narrĂ© par nos » mĂ©dias et nos » gouvernants, ne retenant que le conflit entre Russie et Ukraine pour rejeter dans lâombre et passer sous silence celui entre la Russie et lâOccident â partant leur propre responsabilitĂ© dans la genĂšse de la situation qui a conduit Ă la guerre. Et câest prĂ©cisĂ©ment la mĂȘme simplicitĂ© que nous avons reprochĂ©e Ă la position adoptĂ©e par celles et ceux des membres de la gauche radicale en principe anticapitaliste et donc anti-impĂ©rialiste, reprenant pour lâessentiel ledit rĂ©cit dominant ». Dans ces conditions, une discussion conduite selon les rĂšgles de la disputatio la plus classique aurait voulu que celles dâentre elles et ceux dâentre eux qui entreprendraient de nous rĂ©pondre sâen prennent prĂ©cisĂ©ment Ă cette thĂšse, Ă©lĂ©ment central de notre article, en cherchant Ă en dĂ©montrer les limites, les insuffisances voire la faussetĂ© radicale. Or il nâen a rien Ă©tĂ©. Au mieux, certains ont-ils concĂ©dĂ© que, certes, le conflit mettait aussi en jeu les rapports entre Russie et Occident mais pour rĂ©cuser immĂ©diatement cet Ă©lĂ©ment comme secondaire et non pertinent et rĂ©affirmer que seul importait le conflit entre Russie et Ukraine. Dâautres ont estimĂ© que la dimension interimpĂ©rialiste du conflit Ă©tait purement imaginaire et que sa mobilisation dans nos analyses nous rendait objectivement si ce nâest subjectivement complice de lâagresseur russe. Les plus mĂ©prisants nâont Ă©voquĂ© notre thĂšse que pour la dĂ©nigrer immĂ©diatement ce qui est assurĂ©ment plus facile que de la discuter sĂ©rieusement en la qualifiant de nĂ©ocampiste » et en nous accusant dâĂȘtre, au choix, des munichois » ou des rouges-bruns » et de pratiquer lâanti-impĂ©rialisme des imbĂ©ciles ». La plupart nâen ont tout simplement pas fait mention comme si elle Ă©tait insignifiante. A moins quâils nâaient craint que nous rĂ©pondre sur ce point ne les expose au risque dâaggraver encore leur lecture unilatĂ©rale des Ă©vĂ©nements. Entendons-nous bien. Ce qui nous a Ă©tonnĂ©s, ce nâest pas que nos critiques aient persistĂ© et signĂ© dans lâapproche du conflit qui est la leur. Câest que, face Ă une thĂšse contraire, ils lâaient fait sans aucune argumentation sĂ©rieuse, soit pro en faveur de leur thĂšse soit contra en sâen prenant Ă nos propres arguments. Rien nâa ainsi Ă©tĂ© objectĂ© aux rappels auxquels nous avons procĂ©dĂ© du non-respect des engagements pris par les dirigeants occidentaux de ne pas Ă©tendre lâOtan en Europe centrale et orientale lors de la dĂ©composition du bloc socialiste » au tout dĂ©but des annĂ©es 1990 ; des mises en garde rĂ©pĂ©tĂ©es sur les consĂ©quences potentielles dâune telle expansion en termes de montĂ©e de tensions entre la Russie et les puissances occidentales ; des violations rĂ©pĂ©tĂ©es au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies de lâordre international par les Etats-Unis et certains de leurs alliĂ©s, dans ou hors du cadre de lâOtan, initiant ainsi plusieurs agressions et guerres injustes ; du retrait unilatĂ©ral des Etats-Unis dâun certain nombre de traitĂ©s visant Ă lâinterdiction ou Ă la limitation de certains types dâarmements ; etc.[4]. Tout cela a Ă©tĂ© superbement ignorĂ©, Ă©ventuellement rĂ©duit au rang de dĂ©tails insignifiants et irrelevants de la gĂ©opolitique la plus rĂ©cente, jamais vraiment discutĂ© comme causes, pertinentes ou non, de la situation prĂ©sente. Les quelques rares objections sur lâun ou lâautre de ces diffĂ©rents points ont Ă©tĂ© inconsistantes. Ainsi Ce nâest pas lâOtan qui sâest Ă©tendu Ă lâEst, ce sont les pays de lâancienne zone soviĂ©tique qui ont sollicitĂ© lâOtan pour y ĂȘtre intĂ©grĂ©s ». Comme le rappellent les actuelles candidatures Ă lâadhĂ©sion Ă lâOtan de la Finlande et de la SuĂšde, la procĂ©dure dâadhĂ©sion implique toujours une demande formelle de la part de lâEtat candidat, qui doit ĂȘtre acceptĂ©e par lâensemble des Etats dĂ©jĂ membres de lâorganisation. Ceux-ci avaient donc tout loisir de refuser les candidatures des Etats dâEurope centrale et orientale, sâils lâavaient voulu. Mais, prĂ©cisĂ©ment, leur volontĂ© a Ă©tĂ© contraire lors dâun sommet de lâOtan qui sâest tenu Ă Madrid en 1997, la Hongrie, la Pologne et la RĂ©publique tchĂšque ont Ă©tĂ© officiellement conviĂ©es Ă rejoindre lâAlliance atlantique. Ou encore, est-ce bien sĂ©rieux de prĂ©tendre que rappeler les responsabilitĂ©s occidentales dans la genĂšse de la situation gĂ©opolitique qui a conduit Ă la guerre actuelle en Ukraine serait se faire les porte-parole de Moscou ? Accuser lâOtan reviendrait-il Ă disculper Poutine ? Quand quelquâun commet un forfait indĂ©niable, que tout le dĂ©signe manifestement comme le coupable et que tout le monde ou presque le dĂ©nonce comme tel, en quoi est-ce le disculper que de montrer que lâaffaire est un peu plus compliquĂ©e que cela, en ce que lâaccomplissement du forfait implique Ă©galement les manoeuvres dâun troisiĂšme larron qui se trouve ĂȘtre aussi parmi les principaux accusateurs du coupable manifeste ? Câest tout simplement tenter dâapporter un surcroĂźt dâintelligibilitĂ© Ă une sĂ©quence que le rouleau compresseur idĂ©ologico-mĂ©diatique, que cet acteur de lâombre est en mesure dâactiver, cherche Ă rĂ©duire Ă un schĂ©ma manichĂ©en. Ce qui Ă©tonne dans cet argument, câest la confusion quâil Ă©tablit entre explication ou comprĂ©hension et justification essayer dâexpliquer ou de comprendre des phĂ©nomĂšnes, qui plus est complexes, reviendrait Ă les justifier, Ă leur procurer des titres de lĂ©gitimitĂ©. Vieille rengaine ! Emmanuel Valls, alors Premier ministre, lâavait dĂ©jĂ servie aprĂšs les attentats de novembre 2015 Ă Paris en accusant historiens, sociologues et politologues qui cherchaient Ă expliquer ces actes terroristes, de vouloir les justifier. MĂȘme la critique la plus dĂ©taillĂ©e et la plus construite qui ait Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e sâavĂšre dĂ©faillante sous ce rapport[5]. Elle aussi nâĂ©chappe pas Ă lâironie facile se rĂ©fĂ©rer comme facteur explicatif aux contradictions interimpĂ©rialistes qui traversent lâactuelle phase de mondialisation serait aussi peu sĂ©rieux » que dâinvoquer celles de la Providence divine ou du Cosmos » ! Evidemment, il ne nous est pas expliquĂ© en quoi consisterait un tel manque de sĂ©rieux. Cela nous renseigne au moins sur le cas que les auteurs de cette critique font de la thĂ©orie de lâimpĂ©rialisme⊠AprĂšs quoi ils nous reprochent de ramener lâinconnu au connu », comme si cela nâĂ©tait pas la dĂ©marche propre de toute connaissance jusquâau point de mettre en Ă©vidence la part de rĂ©sidu irrĂ©ductible au connu, part quâils se gardent bien de nommer en lâoccurrence quây aurait-il dâinconnu dans la situation prĂ©sente qui rĂ©sisterait aux schĂ©mas dâanalyse que nous avons proposĂ©s ? Le lecteur ne le saura pas davantage. A moins quâil ne sâagisse des silences gĂȘnants » quâils nous reprochent immĂ©diatement par aprĂšs, portant Ă la fois sur les hauts et les bas des relations russo-amĂ©ricaines de lâimplosion de lâURSS Ă 2014 », lâhistoire rĂ©cente des collaborations avec le rĂ©gime de Poutine tout comme les relations Ă©troites entre le rĂ©gime russe et certains fractions du capitalisme allemand ou encore les ventes dâarmes de pays occidentaux Ă la Russie aprĂšs 2014 » ou encore lâ agenda impĂ©rialiste qui lui [le rĂ©gime russe] est propre ». Si silence il y a eu de notre part par rapport Ă cet agenda, il nâa rien de gĂȘnant relativement Ă notre thĂšse centrale. Il ne nous Ă©tait pas nĂ©cessaire de nous attarder sur ce point, tant le rĂ©cit dominant » en a fait ses choux gras, alors que nous proposions prĂ©cisĂ©ment un autre menu. Quant aux deux autres points, ils renvoient Ă un type de contradictions prĂ©sentes dans toutes les menĂ©es impĂ©rialistes, contradictions qui ne peuvent interloquer que ceux qui transforment lâimpĂ©rialisme en une puissance⊠providentielle ou cosmique ! Sans compter lâĂ©vident changement de rĂ©gime quâa constituĂ© le passage de la direction » Eltsine Ă la direction Poutine puis les diffĂ©rentes Ă©tapes de la politique intĂ©rieure et extĂ©rieure menĂ©e par ce dernier, sous la pression occidentale ou non. En dĂ©finitive, nous devons constater que lâensemble des rĂ©ponses que nous avons reçues nâont aucunement entrepris de discuter sĂ©rieusement les deux volets de notre analyse concrĂšte de la situation concrĂšte » rappelĂ©s ci-dessus. Pis encore ! Quand, dans les rĂ©ponses que nous leur avons adressĂ© personnellement, nous avons proposĂ© Ă nos critiques dâen discuter publiquement, nous nous sommes heurtĂ©s Ă plusieurs reprises Ă des refus catĂ©goriques. Lorsque dans un dĂ©bat, mĂȘme polĂ©mique, lâune des parties vise Ă ce que lâautre partie apparaisse comme un paria », un pestifĂ©rĂ© », le dĂ©bat nâa plus aucune valeur ni aucun sens. Ou nos interlocuteurs craindraient-ils tout simplement une telle discussion publique ? La seule exception aura Ă©tĂ© lâarticle publiĂ© par Contretemps et nous nous en sommes fĂ©licitĂ©s[6]. 5. A dĂ©faut dâune critique des deux affirmations centrales de notre propos, nous avons eu Ă subir celle, rĂ©pĂ©tĂ©e de multiples fois et sur divers tons, de notre dĂ©sapprobation de lâaide multiforme apportĂ©e par les forces militaires de lâOtan Ă lâUkraine, alors mĂȘme que cette derniĂšre dĂ©coule des premiĂšres, comme nous allons le voir dans un moment. Cette dĂ©sapprobation nous a notamment valu, Ă nouveau, lâaccusation de nous faire les complices et les suppĂŽts de Poutine, voire moyennant une identification de ce dernier Ă Staline sur laquelle il nous faudra revenir de dĂ©fendre une position qui nâest partagĂ©e que par les staliniens nostalgiques de lâURSS » ou quâ Alain de Benoist pourrait contresigner ce qui est dit [dans notre article] ». Rien de moins ! Consolons-nous en constatant quâen lâoccurrence la catĂ©gorie de stalinien est devenue encore un plus Ă©lastique quâelle ne lâĂ©tait dĂ©jĂ et que cela nous vaut aussi dâĂȘtre mis dans le mĂȘme sac que des gens bien divers, dont⊠le pape François[7] ! Expliquons-nous une fois pour toutes Ă ce sujet. Face Ă lâagression russe, les populations vivant en Ukraine nâont dâautre choix immĂ©diat que de se dĂ©fendre â dĂšs lors du moins quâelles sâidentifient comme Ukrainien-iennes et sâidentifient Ă lâEtat-nation ukrainien. Elles en ont aussi le droit, reconnu internationalement. Partant, elles ont parfaitement le droit encore de faire appel Ă lâaide internationale, y compris sur un plan strictement militaire envoi dâarmements et de munition, aide Ă la formation et Ă lâentraĂźnement des troupes, enrĂŽlement de volontaires internationaux, etc. Et câest au nom de cet ensemble de droits que les Etats occidentaux se sont portĂ©s au secours des Ukrainiens en lutte, approuvĂ©s en cela par la partie de la gauche radicale que nous avons mise en cause. Mais toute la question est de savoir si nous, membres de cette gauche en principe anti-impĂ©rialiste, devons et pouvons en rester lĂ Ă simplement rĂ©pĂ©ter les principes de droit international qui viennent dâĂȘtre rappelĂ©s. RĂ©pondre par lâaffirmative, comme le fait le rĂ©cit dominant » dans ses diffĂ©rentes dĂ©clinaisons, câest a prĂ©cisĂ©ment entĂ©riner une perception borgne du conflit qui le rĂ©duit Ă la seule dimension dâun affrontement international entre la Russie et lâUkraine. Et câest surtout b considĂ©rer que, sur un plan gĂ©opolitique, il nây a pas dâautre cadre analytique et axiologique possible ou du moins supĂ©rieur que celui dĂ©fini par la division du monde en Etats-nations, qui est prĂ©cisĂ©ment une des caractĂ©ristiques fondamentales du monde dans sa configuration capitaliste, et par la prĂ©valence des intĂ©rĂȘts nationaux et des droits affĂ©rents dans ce cadre. Ne considĂ©rons pour lâinstant que le premier point ; nous reviendrons sur le second dans un moment. DĂšs lors que lâon considĂšre que le conflit actuel en Ukraine est surdĂ©terminĂ© par la rivalitĂ© entre lâOccident et la Russie, comme nous le pensons, trois arguments militent en faveur dâune dĂ©nonciation et non pas dâune approbation de lâaide militaire multiforme que les Occidentaux apportent Ă lâUkraine. En premier lieu, cette aide permet aux premiers de poursuivre et dâamplifier pendant la guerre la politique qui a prĂ©cisĂ©ment conduit Ă la guerre ; pour eux aussi, la guerre est la continuation de la politique par dâautres moyens » Clausewitz. Comme lâa opportunĂ©ment rappelĂ© Wolgang Streeck ancien directeur de lâInstitut Max-Plank, Ă la grande joie du gouvernement ukrainien, les Ătats-Unis et dâautres pays occidentaux, dont le Royaume-Uni, ont Ă©galement indiquĂ© que, pour eux, lâobjectif de la guerre Ă©tait une âvictoireâ sur la Russie qui affaiblirait âde maniĂšre dĂ©cisiveâ son armĂ©e et son Ă©conomie, tout en faisant en sorte que Poutine soit jugĂ© par un tribunal pĂ©nal international » [8] ; et Biden a mĂȘme Ă©tĂ© plus explicite en souhaitant faire tomber le rĂ©gime de Poutine »[9], etc., dĂ»t-on pour cela se battre jusquâaux⊠derniers Ukrainiens ! Câest pourquoi les dirigeants occidentaux ont tout intĂ©rĂȘt Ă ce que cette guerre dure ils font dâailleurs tout Ă cette fin, en entretenant les illusions de la direction politico-militaire de lâUkraine, tout en veillant Ă mesurer leur appui et que tout gain territorial des Russes se paie du prix le plus fort, sans compter le prix que paient immĂ©diatement les populations civiles prises dans les combats en Ukraine mĂȘme. Dans ces conditions, lâapprobation par une partie de la gauche radicale de lâaide militaire occidentale est tout simplement inutile du point de vue mĂȘme que privilĂ©gient ceux qui la prĂ©conisent et lâexigent elle nâajoute strictement rien au soutien militaire dont lâUkraine bĂ©nĂ©ficie de la part des Etats occidentaux, qui nâont pas attendu cette approbation pour assurer ce soutien et qui peuvent parfaitement se passer de cette approbation. Mais, si elle nâest dâaucun bĂ©nĂ©fice pour les Ukrainiens, cette derniĂšre nuit par contre gravement Ă la gauche anti-impĂ©rialiste Ă laquelle nous sommes censĂ©s appartenir. Car cela nâa pas dâautre effet que de la rallier Ă la politique de lâOtan, de la transformer en force supplĂ©tive de nos » gouvernements en cautionnant toute leur responsabilitĂ© dans cette affaire, en la privant du mĂȘme coup de toute autonomie politique et en lâamenant Ă renier ses propres valeurs, idĂ©aux et horizon politiques. En second lieu, cette aide militaire revient Ă jouer avec le feu⊠nuclĂ©aire ! Car le risque est bien que ce Kriegsspiel ne finisse par dĂ©raper, en conduisant Ă une confrontation directe entre la Russie et lâOtan, qui peut elle-mĂȘme conduire aux extrĂȘmes la guerre nuclĂ©aire, chimique et bactĂ©riologique que les militaires des deux camps prĂ©parent depuis des dĂ©cennies. DiffĂ©rents scĂ©narios sont possibles. Que se passera-t-il quand les Russes en auront marre de prendre sur la gueule des obus et des missiles fournis par les Occidentaux, fussent-ils tirĂ©s par des Ukrainiens, et quâil leur prendra lâenvie dâen faire autant avec les premiers en bombardant leurs arsenaux situĂ©s en Pologne et en Roumanie ou simplement leurs voies et moyens dâacheminement des armements vers lâUkraine ? Et si Poutine est ce fou sanguinaire, prĂȘt Ă tout pour parvenir Ă ses fins, que certains se plaisent Ă dĂ©crier, ne faut-il pas craindre quâil mette en Ćuvre une riposte rapide et foudroyante » selon ses propres termes dĂšs lors quâil estimera que les intĂ©rĂȘts vitaux de la Russie sont en jeu, comme il en a brandi la menace Ă plusieurs reprises ? Une situation qui pourrait rapidement se prĂ©senter en cas dâaffrontement direct entre lâOtan et la Russie au vu de lâavantage manifeste dont disposerait la premiĂšre sur le plan des forces conventionnelles, ne laissant dĂšs lors Ă la seconde que le choix de capituler ou de passer Ă la vitesse supĂ©rieure, en recourant Ă lâarmement nuclĂ©aire, tactique dâabord, stratĂ©gique en cas de rĂ©plique. On nous rĂ©pondra que le risque dâun tel affrontement est limitĂ©, que les Occidentaux veillent Ă ne pas dĂ©passer certaines lignes rouges » et en interdisent le franchissement Ă leurs clients ukrainiens par exemple pas de bombardements du territoire russe. Mais qui fixe ces lignes » ? Pour le moment, ce sont les faucons revanchards du Pentagone qui semblent ĂȘtre Ă la manĆuvre, de la mĂȘme farine que ceux qui avaient initiĂ© et conduit les guerres en Afghanistan, en Irak, en Libye, dont on ne peut pas dire quâils aient brillĂ© par leur prudence et leur retenue, en dĂ©pit des avertissements pourtant Ă©mis par certains membres de leur propre administration. Et nos camarades, qui se fĂ©licitent de voir lâOtan engagĂ© dans ce Kriegsspiel, devraient peut-ĂȘtre aussi sâinterroger sur les gagnants de ce jeu guerrier⊠et sur ses perdants aussi ! Parmi les premiers figurent incontestablement les industries dâarmements, dont les carnets de commande grossissent au rythme du dĂ©stockage des arsenaux occidentaux au bĂ©nĂ©fice des Ukrainiens et de la mise en Ćuvre des plans massifs de rĂ©armement dĂ©crĂ©tĂ©s par tous les gouvernements occidentaux face Ă la soi-disant menace russe[10]. Quant aux seconds, ils comptent toutes les populations qui vont payer le prix de cette nouvelle course aux armements, que ce soit sous la forme dâun surcroĂźt dâimpĂŽts ou, plus sĂ»rement encore, sous celle de coupes claires dans les dĂ©penses publiques civiles en faveur des prestations sociales, services publics et Ă©quipements collectifs. Curieux que des gens qui se rĂ©clament de la gauche puissent se rendre aussi aveuglĂ©ment complices de ce type de politique. En dernier lieu enfin, approuver une telle aide militaire, câest sâinscrire totalement dans une logique de guerre qui ne laisse aucune possibilitĂ© du moins dans lâimmĂ©diat de parvenir Ă une paix nĂ©gociĂ©e, autrement dit Ă une issue diplomatique. LĂ encore, il est singulier que nos propres rangs reprennent, sans plus dâexamen, le discours guerrier de nos » dirigeants disant quâil nây aurait pas dâautre solution, dans lâimmĂ©diat, quâune dĂ©faite militaire russe sur le terrain, dont il faudrait crĂ©er les conditions par lâaide militaire multiforme apportĂ©e Ă lâUkraine et les sanctions Ă©conomiques et financiĂšres Ă lâencontre de la Russie. Ce faisant, les nĂŽtres ignorent ou mĂ©connaissent complĂštement que câest faute que la voie de la diplomatie nâait pas Ă©tĂ© empruntĂ©e avant le conflit parce que les Occidentaux ne le voulaient pas, ne croyant pas Ă la possibilitĂ©/capacitĂ© de la Russie dâentrer en guerre, ou pire quâils dĂ©siraient cette guerre â une hypothĂšse quâon ne saurait Ă©carter a priori quâon se trouve, maintenant que le conflit est engagĂ©, dans une situation oĂč cette voie est trĂšs Ă©troite. Mais, pour lâĂ©largir, il serait de la responsabilitĂ© de la gauche anti-impĂ©rialiste, plutĂŽt que de hurler avec les loups guerriers, de commencer par dĂ©noncer les responsabilitĂ©s qui sont celles de nos » dirigeants dans la genĂšse de la situation actuelle, autrement dit son » impĂ©rialisme, lâimpĂ©rialisme du camp dans lequel lâont placĂ© lâhistoire et la gĂ©opolitique actuelle, puis de chercher Ă mobiliser lâopinion publique, et dâabord parmi les travailleurs qui subissent dâores et dĂ©jĂ les dĂ©gĂąts collatĂ©raux » de la guerre en termes socio-Ă©conomiques, en faveur prĂ©cisĂ©ment dâune solution diplomatique, de tenter dâimpulser un mouvement visant Ă faire pression sur nos » gouvernements pour quâils sortent de cette logique guerriĂšre et entrent dans la voie dâune rĂ©solution diplomatique du conflit. Ce quâils auraient dĂ» faire dĂšs le dĂ©but et ce qui aurait sans doute permis dâĂ©viter la guerre en cours. En menant une telle campagne et en tentant de provoquer de telles mobilisations, nous serions bien plus fidĂšles Ă nos valeurs, aux combats passĂ©s de notre tradition et Ă notre idĂ©al politique quâen cautionnant les fauteurs de guerre occidentaux, qui sont aussi nos ennemis directs, et en mĂȘlant nos voix aux leurs. Car dĂ©fendre cette voie, câest dĂ©fendre la cause de la paix, qui est aussi dans lâintĂ©rĂȘt des populations ukrainiennes et russes comme dans celui de lâhumanitĂ© en gĂ©nĂ©ral. Nous y reviendrons encore plus loin. 6. La quasi-totalitĂ© des rĂ©actions critiques qui nous ont Ă©tĂ© adressĂ©es invoquent systĂ©matiquement le principe de lâautodĂ©termination des peuples, principe que nous aurions, dâaprĂšs elles, refusĂ© de reconnaĂźtre au peuple ukrainien. Etrange lecture ! Nous affirmions pourtant ce droit dâentrĂ©e dans notre article. Cependant, pour aller au-delĂ de lâaffirmation principielle et pour montrer la complexitĂ© historique et politique thĂ©orique aussi du problĂšme, nous avons consacrĂ© tout un paragraphe intitulĂ© Sur la question nationale dans le cadre des conflits inter-impĂ©rialistes» mettant en garde contre des usages hĂątifs et dĂ©contextualisĂ©s dudit principe. Tous nos contradicteurs ont ignorĂ© ou tout simplement contournĂ© cette partie de notre analyse, renouvelant ainsi la lecture biaisĂ©e de notre article dĂ©jĂ dĂ©noncĂ©e plus haut. En substance, nous disions que le principe de lâautodĂ©termination des peuples nâest pas un article de foi intangible, quâil nâest pas davantage suspendu dans le vide, quâil est toujours fonction de contextes et de rapports de forces, internes et externes, qui le surdĂ©terminent et en fonction desquels il convient de lâinterprĂ©ter. Bref, il ne constitue pas une valeur absolue. AprĂšs tout, comme Rosa Luxemburg lâa signalĂ©, mĂȘme des Etats-nations conservateurs, rĂ©pressifs, voire des empires coloniaux, peuvent se lĂ©gitimer en brandissant pour leur propre compte le droit des nations Ă disposer dâelles-mĂȘmes »[11]. Puisque notre propos sur cette question nâa pas Ă©tĂ© entendu, dĂ©ployons-en toutes les implications. Commençons par constater que, dans le systĂšme mondial des Etats-nations, tel quâil rĂ©sulte de lâexpansion planĂ©taire des rapports capitalistes de production, toute auto-dĂ©termination est toujours et en mĂȘme temps une hĂ©tĂ©ro-dĂ©termination chacun de ces Etats nâacquiert et ne peut conserver sa souverainetĂ© que dans le cadre de rapports complexes faits Ă la fois de coopĂ©ration, de concurrence, de rivalitĂ© et de conflit dâintĂ©rĂȘts, gĂ©nĂ©rant une hiĂ©rarchie mouvante entre ces Etats, le degrĂ© et la forme dâautonomie de chacun Ă©tant finalement dĂ©terminĂ© par sa place dans cette hiĂ©rarchie. Et cela vaut tout particuliĂšrement pour les petits Etats-nations, obligĂ©s quâils sont, pour sâassurer de degrĂ©s dâautonomie variables, de conclure des alliances confinant souvent plus Ă la vassalisation quâĂ des relations entre pairs avec les grandes puissances du moment, puissances qui dessinent et redessinent selon leurs propres intĂ©rĂȘts les espaces et les frontiĂšres pour se donner des zones dâinfluence et de sĂ©curitĂ©. Dans un pareil cadre, il serait naĂŻf de croire quâil y ait en la matiĂšre des dons gratuits »[12]. Dans lâĂšre de guerres inter-impĂ©rialistes quâa ouverte la Grande Guerre, les tensions entre les rĂ©elles aspirations Ă lâautodĂ©termination et les non moins rĂ©elles contraintes de lâhĂ©tĂ©rodĂ©termination, prennent, pour les peuples victimes du fracas des armes, les dimensions dâune crise existentielle », qui alimente le pathos national et nationaliste et quâinstrumentalisent Ă volontĂ©, chacune Ă sa façon, les stratĂ©gies des puissances impĂ©rialistes en conflit mais aussi les diffĂ©rentes bourgeoisies nationales. La guerre en Ukraine rĂ©actualise aujourdâhui cette vieille problĂ©matique qui remonte au printemps des peuples », Ă lâĂ©poque des rĂ©volutions et des contre-rĂ©volutions » du milieu du XIXe siĂšcle. Par ailleurs, nous savons que la question nationale et celle des nationalitĂ©s traversent la pensĂ©e marxiste dans ses diffĂ©rentes variantes, depuis Marx et Engels jusquâĂ nos jours â tradition de pensĂ©e que partage sans doute un grand nombre de nos critiques. On sait que Rosa Luxemburg sâinspirant des Ă©crits de Marx et surtout dâEngels au sujet des rĂ©volutions et des contre-rĂ©volutions en Europe entre 1846 et 1850[13], a Ă©tĂ© extrĂȘmement critique, parfois mĂȘme de façon violente, Ă lâĂ©gard du principe de lâautodĂ©termination et des guerres nationales »[14] qualifiĂ©s de fiction », de mot dâordre creux » au service de lâimpĂ©rialisme[15], thĂšses auxquelles sâopposa LĂ©nine dans un cĂ©lĂšbre dĂ©bat[16]. Trotski pour sa part, rĂ©solument opposĂ©, comme LĂ©nine, Ă la politique des nationalitĂ©s de Staline, a dĂ©fendu contre ses propres amis le droit Ă lâautodĂ©termination de lâUkraine, mais dâune Ukraine soviĂ©tique, ouvriĂšre, paysanne unie, libre et indĂ©pendante » prĂ©cise-t-il, y compris son droit de faire sĂ©cession par rapport Ă un Ătat soviĂ©tique bureaucratiquement dĂ©formĂ© et totalitaire, vĂ©ritable repoussoir pour le peuple ukrainien. Et pas seulement pour lui câĂ©tait le cas aussi du peuple finlandais comme lâa attestĂ© lâĂ©chec patent de lâintervention militaire soviĂ©tique sur le territoire finlandais Ă partir de fin novembre 1939 la guerre dâHiver ». Ajoutons encore que, pour Trotsky, la juste revendication de lâindĂ©pendance de nationalitĂ©s opprimĂ©es dans la glaciation stalinienne de lâURSS Ă©tait insĂ©parable de leur lutte contre la bureaucratie stalinienne et son Ă©ventuel renversement dans la perspective des Ătats-Unis soviĂ©tiques dâEurope ». Sa dĂ©fense de lâautodĂ©termination des peuples opprimĂ©s sâinscrivait toujours dans la perspective de la rĂ©volution permanente[17]. Il ne sâagit pas ici de dĂ©terminer qui a eu raison et qui a eu tort dans ce terrible climat de feu et de sang, mĂȘlant interventions Ă©trangĂšres, guerre civile, rĂ©volution et contre-rĂ©volution, au cours duquel les lignes de forces et les alliances se sont bousculĂ©es en Europe 1917-1939. Nous sommes Ă mille lieues dâun tel contexte. Il sâagit tout simplement de prendre acte du fait que, comme nous le disions plus haut, la validitĂ© de principes ne se juge pas in abstracto, quâil sâagit toujours de procĂ©der Ă lâĂ©valuation de contextes historiques et de rapports de force qui dĂ©passent largement et qui surdĂ©terminent les intentions des acteurs â oĂč lâon est une nouvelle fois renvoyĂ© Ă la nĂ©cessitĂ© incontournable de lâanalyse concrĂšte de la situation concrĂšte ». Les aspirations Ă lâautodĂ©termination et les contraintes de lâhĂ©tĂ©rodĂ©termination saisissent au vif les peuples, victimes par procuration de guerres interimpĂ©rialistes, se conciliant ici, se heurtant ailleurs. 7. Personne ne peut contester le droit du peuple ukrainien, sauvagement agressĂ© par lâimpĂ©rialisme russe, de se tourner, du moins Ă partir de 2014, vers lâOccident Etats-Unis, Union europĂ©enne, Otan en tant quâhĂ©tĂ©rodĂ©termination de son droit Ă lâexistence propre comme Etat-nation. Nous lâavons rappelĂ© nous-mĂȘme plus haut. Mais cela ne nous interdit pas dâexaminer et dâĂ©valuer les conditions dans lesquelles il est amenĂ© prĂ©sentement Ă exercer ce droit ni le contenu quâil est ainsi appelĂ© Ă lui donner. Dans le contexte de cette guerre hybride », Ă la fois chaude » et froide »[18] quâest la guerre en Ukraine, lâexercice de ce droit lâa conduit Ă choisir » de se mettre sous la protection du bloc occidental, en aspirant Ă en devenir membre le plus rapidement possible[19]. Selon certains de nos interlocuteurs, ce choix se lĂ©gitime par deux arguments. Dâune part par le fait que malgrĂ© leurs imperfections, leurs cruels manquements Ă leurs propres principes, voire en dĂ©pit de leurs contradictions constitutives, lâOccident, lâUnion europĂ©enne en particulier, voire lâOtan, offriraient des formes de vie qui sâinscrivent dans la longue tradition politique de conquĂȘtes dĂ©mocratiques, de lâĂtat de droit, du respect des droits fondamentaux, des libertĂ©s individuelles et collectives, de lâuniversalisme et du cosmopolitisme, bref des formes de vie infiniment plus positives et plus attrayantes pour les peuples que celles proposĂ©es par lâEmpire absolutiste russe, aujourdâhui comme hier. Sous ce rapport, la demande dâaide militaire de lâUkraine aux Etats-Unis et Ă lâOtan serait tout Ă fait lĂ©gitime, Ă condition que cette aide ne dĂ©passe pas, prĂ©cisent-ils, un certain niveau ; ce qui risquerait de dĂ©clencher une confrontation directe entre lâOccident et la Russie dont on a vu quâelle pourrait dĂ©boucher finalement sur une conflagration nuclĂ©aire. Dâautre part, le choix du peuple ukrainien de se tourner vers lâOccident, plus prĂ©cisĂ©ment lâUnion EuropĂ©enne, se lĂ©gitimerait aussi en raison de ce que rĂ©vĂšlerait cette guerre elle-mĂȘme, Ă savoir son caractĂšre bien plus citoyen-dĂ©mocratique que national-nationaliste â sans pour autant nĂ©gliger, prĂ©cisent-ils encore, la prĂ©sence active en Ukraine des courants ultra rĂ©actionnaires et nationalistes extrĂȘmes[20]. Ces arguments mĂ©ritent discussion. Cette dĂ©fense de lâOccident » et de lâUnion europĂ©enne, malgrĂ© toutes les rĂ©serves Ă©mises, ne peut que nous laisser perplexes. Depuis les annĂ©es 1970 et la dĂ©ferlante des politiques nĂ©olibĂ©rales et de leurs ravages, les dĂ©mocraties occidentales », celles en particulier des Ătats membres de lâUnion europĂ©enne, ne sont plus que lâombre dâelles-mĂȘmes, elles sâeffondrent littĂ©ralement la dĂ©gradation de la condition salariale sous lâeffet du chĂŽmage et de la prĂ©caritĂ© et lâaggravation systĂ©matique des inĂ©galitĂ©s sociales se sont accompagnĂ©es du dĂ©mantĂšlement systĂ©matique de lâĂtat de droit, de la gĂ©nĂ©ralisation de mesures dâĂ©tat dâexception, des lois de sĂ©curitĂ© globale », de la mise sous tutelle de lâappareil judiciaire, du corsetage de la sphĂšre publique, du renforcement des appareils rĂ©pressifs, de la criminalisation des mouvements sociaux, de lâinfiltration voire de la prise dâassaut des institutions par de puissants partis dâextrĂȘme droite, etc., pour ne retenir que ces quelques Ă©lĂ©ments de cette irrĂ©parable dĂ©rive des fondements de la dĂ©mocratie libĂ©rale. On a mĂȘme inventĂ©, pour dĂ©crire cette crise, un Ă©trange nĂ©ologisme en forme dâoxymore, celui de dĂ©mocraties illibĂ©rales » â y compris pour dĂ©signer des vielles dĂ©mocraties » comme la France, sans parler de la Hongrie et de la Pologne. Or, au moins depuis 1992, lâUkraine subit les assauts des politiques nĂ©olibĂ©rales[21] et le rĂ©cent sommet Ă Lugano sur la reconstruction de lâUkraine » nous donne dĂ©jĂ un avant-goĂ»t de ce que peut espĂ©rer recevoir » le peuple ukrainien de lâOccident malgrĂ© ses manquements Ă ses propres principes » pendant ou aprĂšs la fin de cette guerre la brutalisation de ces mĂȘmes politiques nĂ©olibĂ©rales[22] qui ravagent encore et toujours toute lâEurope et le mĂȘme modĂšle de dĂ©mocratie illibĂ©rale » que nous vivons ici et maintenant[23]. Il est tout Ă fait lĂ©gitime que le peuple ukrainien, pris en Ă©tau, choisisse cette voie, aussi douloureuse et peu enthousiasmante soit-elle sauf Ă se bercer dâillusions, plutĂŽt que celle du despotisme asiatique » ou ce qui passe pour tel. Mais alors pourquoi ne pas avoir cherchĂ© Ă obtenir de pareils acquis par la voie de nĂ©gociations avec la Russie, sous contrĂŽle international impliquant lâUnion EuropĂ©enne et les Etats-Unis, de maniĂšre Ă prĂ©venir la guerre, plutĂŽt que par celle du sang versĂ© jusquâaux derniers Ukrainiens » qui semble avoir prĂ©valu jusquâici ? Nous y reviendrons. Quant Ă lâautre argument, celui dâaprĂšs lequel les forces dĂ©mocratiques et civiques au sein de la sociĂ©tĂ© ukrainienne mobilisĂ©e par la guerre, lâemporteraient sur les forces nationalistes et ultra-nationalistes toujours agissantes, câest une hypothĂšse, sĂ©duisante certes, mais que rien en lâĂ©tat ne semble valider. Au contraire, aprĂšs six mois dâĂąpres combats, ce qui est exaltĂ© aujourdâhui dans les discours officiels ukrainiens, ce sont, sous couvert dâ unitĂ© nationale », les forces nationalistes et lâhĂ©roĂŻque rĂ©sistance » des unitĂ©s Azov et des volontaires Ă©trangers » dans des villes martyrs comme Marioupol. Il en va de mĂȘme pour cet autre argument exprimant lĂ encore davantage un souhait ou un espoir quâun fait avĂ©rĂ©, formulĂ© dans certaines rĂ©actions critiques que nous avons reçues, dâaprĂšs lequel la rĂ©sistance unanime des Ukrainien-nes toutes classes confondues, le dĂ©ploiement de formes dâengagements et de solidaritĂ©s horizontales au sein de la sociĂ©tĂ©, voire lâĂ©mergence de formes de vie et dâorganisations autonomes, auraient eu pour effet de propulser sur lâavant-scĂšne le peuple ukrainien comme un sujet politique actif, potentiellement capable de prendre son destin en main â la formule du peuple en armes » constitue un des leitmotiv chez nombre de nos contradicteurs. Certes, des groupes et des rĂ©seaux anticapitalistes radicaux existent, notamment parmi la jeunesse, de mĂȘme que sur le plan syndical, mais ils constituent des minoritĂ©s et sont loin de pouvoir sâimposer et transformer, Ă terme, cette guerre de libĂ©ration nationale » en une confrontation avec le pouvoir en place dans une perspective politique et sociale Ă©mancipatrice. Ces espoirs hyperboliques, qui sous-tendent, explicitement ou implicitement, lâargumentaire de nos contradicteurs, sâexpliquent, selon nous, par ce que nous nommerons le syndrome de substitution, dĂ©jĂ repĂ©rable en dâautres circonstances. AprĂšs lâaccumulation effrĂ©nĂ©e au cours des derniĂšres dĂ©cennies de dĂ©faites de grande ampleur subies par les mouvements sociaux et politiques, non seulement de ceux qui aspiraient Ă des ruptures avec le capitalisme et le nĂ©ocolonialisme mais aussi de ceux qui, plus modestement, visaient la sauvegarde des acquis des luttes sociales antĂ©rieures, aprĂšs nombre de printemps des peuples » dĂ©faits, tant au centre dans lâamertume des trahisons quâen pĂ©riphĂ©rie dans le sang, la gauche radicale anticapitaliste est, Ă ne pas en douter, au dĂ©sespoir. Pour ne pas sombrer dans la mĂ©lancolie et lâinaction, la tentation est alors grande de chercher un sujet politique actif de substitution, et ce sans prise en considĂ©ration des rapports de force, internes et externes gĂ©opolitiques qui surdĂ©terminent les possibilitĂ©s mais aussi les limites dâune perspective Ă©mancipatrice. Hier, pour certains, ce sujet politique de substitution sâest incarnĂ© dans les gardiens de la rĂ©volution » iraniens sous lâautoritĂ© du guide Khomeiny. Aujourdâhui, pour certains autres qui sont quelquefois les mĂȘmes, ce sujet de substitution est reprĂ©sentĂ© par la rĂ©sistance hĂ©roĂŻque de David quâest le peuple ukrainien contre le Goliath quâest la Russie de Poutine qui impressionne et inspire les peuples et les opprimĂ©es du monde entier » et dont la victoire finale ⊠aura des consĂ©quences cataclysmiques ⊠encouragement et source dâinspiration pour les mouvements ⊠dâĂ©mancipation sociale et de libĂ©ration nationale au-delĂ des limites europĂ©ennes ! » [24]. Nous avons dit quâils rĂȘvaient » et cela les a heurtĂ©s au plus haut point. En retour ils nous ont accusĂ©s dâignorer la subjectivitĂ© ukrainienne » ![25]. Ce quâil est impossible dâignorer cependant, aussi bien par nous que par nos critiques, câest le fait incontestable que câest bien la sociĂ©tĂ© ukrainienne et le peuple ukrainien qui payent depuis prĂšs de six mois maintenant le prix fort de cette guerre par procuration Ă laquelle se livrent les deux camps impĂ©rialistes â celui du bloc occidental et celui de la puissance russe, pour sâassurer mutuellement de zones dâinfluence et de sĂ©curitĂ©, non ? Et quâest-ce que la subjectivitĂ© » dâun Ătat-nation sinon le fondement archaĂŻque de toutes les mythologies stato-nationales la traduction en termes contemporains de la vielle idĂ©e de lâĂąme du peuple » ? Au-delĂ ou en deçà de ce syndrome de substitution, il est peut-ĂȘtre une autre raison encore expliquant lâattachement de nos critiques Ă la cause ukrainienne. Elle transparaĂźt dans le reproche quâils nous ont adressĂ©, parfois de façon agressive, dâavoir dĂ©noncĂ© leur discours unilatĂ©ral diabolisant exclusivement lâagresseur russe. Comment expliquer cette unilatĂ©ralitĂ© qui fait de Poutine lâennemi diabolique principal, sinon le seul ennemi ? Il nous semble y reconnaĂźtre un phĂ©nomĂšne dĂ©jĂ rencontrĂ© chez certains militants et compagnons de route le recyclage dâun antistalinisme mal digĂ©rĂ©, un recyclage qui laisse entendre quâil y aurait une continuitĂ© historique sous-jacente entre lâEmpire tsariste, lâURSS stalinienne et Poutine, Ă©galement honnis â la sĂ©quence de la RĂ©volution bolchevique restant dĂšs lors suspendue dans le vide, sans quâon sache quand situer exactement le dĂ©but de sa dĂ©rive totalitaire, en 1919, en 1922, en 1924, en 1928, en 1935, en 1939 ? Ceux de nos critiques â et ils sont nombreux â qui procĂšdent de la tradition trotskiste devraient pourtant savoir que, pour sa part, Trotski â qui nâa pas besoin dâexhiber des titres dâantistalinisme â nâa pas manquĂ©, jusquâau seuil de la Seconde guerre mondiale il fut assassinĂ© 21 aoĂ»t 1940, dâappeler hardiment, contre nombre de ses propres amis, Ă la dĂ©fense inconditionnelle de lâURSS, surtout face Ă la menace fasciste[26]. Surtout, leur formation marxiste devrait en principe leur Ă©viter dâignorer lâampleur des transformations Ă©conomiques, sociales, politiques et idĂ©ologiques intervenues aprĂšs 1917 en Russie ainsi que dans lâensemble des RĂ©publiques soviĂ©tiques, tout comme dâailleurs les bouleversements, quelquefois de mĂȘme ampleur quoique dâorientation diffĂ©rente, intervenus aprĂšs 1991 â une fois encore, camarades, rien ne dispense de lâanalyse concrĂšte de la situation concrĂšte » plutĂŽt que de sâabandonner Ă des rapprochements historiques aussi fallacieux que superficiels. Et ils devraient enfin sâinterroger sur le fait que Poutine, qui leur fait tant horreur, sâil convoque volontiers les traditions de la Sainte Russie orthodoxe, ne cesse de rejeter lâhĂ©ritage de lâURSS, tenu par lui comme largement responsable des malheurs de la Russie actuelle, notamment en ce quâelle a fourni Ă lâUkraine le cadre de son indĂ©pendance. Bref, le recyclage dâun antistalinisme viscĂ©ral Ă lâencontre de Poutine constitue une dĂ©robade face aux nĂ©cessitĂ©s de lâanalyse de ce qui se joue aujourdâhui dans cette guerre par procuration. 8. En dehors de logiques de substitution de sujet politique et du recyclage de lâantistalinisme envers le rĂ©gime exĂ©crable de Poutine, que peut dire et faire la gauche radicale sans devenir complice de la cynique hypocrisie de lâOccident qui semble dĂ©couvrir, dâun coup, aujourdâhui seulement, que la guerre, que toute guerre, fait couler du sang, chez les civils et chez les combattants, et quâelle inflige des souffrances inouĂŻes et provoque des catastrophes Ă vaste Ă©chelle ? Tout le monde sâaccorde sur la valeur proclamĂ©e de la paix et de sa prĂ©servation par des mĂ©canismes internationaux, juridiques et politiques, mis en place depuis fort longtemps. Mais, pour tous nos contradicteurs, rĂ©clamer la paix dans le contexte de cette guerre dâagression, menĂ©e au mĂ©pris flagrant de toutes les conventions internationales, serait non seulement insuffisant mais encore naĂŻf, voire proprement utopique. Câest le dernier reproche quâils nous ont unanimement adressĂ©. Cependant, dâautres, avant nous, lâont dit et redit[27]. Depuis lâAntiquitĂ© jusquâĂ nos jours, lâhistoire nâa connu que deux types de paix. Une paix conclue Ă la suite de la dĂ©faite ou de la capitulation de lâune ou de lâautre des parties aux prises et une paix par la voie de pourparlers et de nĂ©gociations impliquant des compromis et des concessions de part et dâautre. Pour la partie de la gauche radicale favorable Ă lâenvoi dâarmes Ă lâUkraine par lâOtan, lâoption dâune paix par nĂ©gociation impliquant des concessions, est rejetĂ©e pour plusieurs raisons. Poutine, nous disent-ils, est intraitable et on ne peut lui faire confiance. Il a voulu rayer lâUkraine de la carte. GrĂące Ă la rĂ©sistance populaire, toutes classes confondues, il nây est pas parvenu, mais il est dĂ©cidĂ©, comme il lâa fait avec la CrimĂ©e, dâannexer des rĂ©gions particuliĂšrement riches et stratĂ©giques du pays Donbass. Il semblerait mĂȘme, ajoutent-ils, quâau sein de lâEurope, voire des Etats-Unis et de lâOtan, il y ait des traĂźtres Ă la cause ukrainienne qui pousseraient aussi vers un tel rĂšglement pour mettre fin au conflit. Inacceptable, irrecevable, affirment-ils ! Une telle paix par concessions impliquerait la mise en Ă©chec de dynamiques dĂ©clenchĂ©es par la rĂ©sistance populaire et une rĂ©gression irrĂ©cupĂ©rable de la sociĂ©tĂ© ukrainienne dans son Ă©tat dâavant la rĂ©volution » de 2014. En plus, elle donnerait libre cours aux prĂ©tentions et projets expansionnistes de Poutine. Sous ces prĂ©misses, toute paix par nĂ©gociations, toute paix sans vainqueur ni vaincu, est Ă©videmment exclue du champ des possibles. Reste Ă savoir si la stratĂ©gie pour laquelle opte pour le moment lâOtan, Ă©noncĂ©e du reste avec fracas par Zelensky, celle du jusquâau dernier Ukrainien », en vue de la dĂ©faite/capitulation totale de lâagresseur russe, est une stratĂ©gie tenable, rĂ©aliste, en dĂ©pit des risques dâune montĂ©e du conflit aux extrĂȘmes, aux consĂ©quences incalculables, quâelleimplique. Reste surtout Ă savoir si une telle stratĂ©gie jusquâau-boutiste est bonne pour le peuple ukrainien, pour les travailleurs ukrainiens et pour la jeunesse ukrainienne⊠Apparemment et contre toute attente, nos contradicteurs pensent que oui ! Selon eux en effet, une victoire de lâUkraine et par consĂ©quent une dĂ©faite de la Russie aurait une double consĂ©quence hautement positive aussi bien pour le peuple ukrainien que pour toute lâEurope sâagissant du premier, elle donnerait aux dynamiques nourries par la guerre de libĂ©ration un nouvel Ă©lan, une nouvelle confiance en soi, elle permettrait de surmonter les anciennes divisions et conduire Ă une politique plus socialement responsable[28]. Tandis que, pour lâEurope, cette mĂȘme victoire de lâUkraine signifierait sinon lâĂ©limination du moins la rĂ©duction drastique de la menace russe ; et elle permettrait de surcroĂźt, grĂące Ă cela, de diminuer la dĂ©pendance de lâEurope Ă lâĂ©gard de lâOtan et des Etats-Unis ainsi que lâarrĂȘt de la course aux armements[29]. Les initiateurs de ce type dâĂ©chafaudages stratĂ©giques nâont visiblement pas conscience de leur irrĂ©alitĂ©, qui nâen annule pas pour autant les effets potentiellement dĂ©sastreux. Sauf Ă miser sur une escalade du conflit impliquant directement lâOtan, avec tout ce que cela impliquerait, rien ne permet de soutenir la possibilitĂ© dâune dĂ©faite de la Russie. Ni les rapports de force militaires tout au long de lignes de fronts, ni la rĂ©solution ferme de lâimpĂ©rialisme russe de stabiliser de facto lâoccupation de territoires qui vont du Donbass jusquâĂ la CrimĂ©e, ne rendent possible une sortie du bourbier actuel sans pourparlers prĂ©alables et sans nĂ©gociations. Les retombĂ©es dâordre Ă©conomique notamment les ruptures dâapprovisionnement en denrĂ©es alimentaires et en produits Ă©nergĂ©tiques fossiles qui, du fait de cette guerre, taraudent le monde sans Ă©pargner les pays europĂ©ens, et qui risquent de prendre des allures catastrophiques dans certaines rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques, poussent dans le mĂȘme sens. Sans vouloir Ă©voquer ici davantage les consĂ©quences du conflit sur un plan Ă©cologique, dont la moindre nâest pas quâil sert de prĂ©texte y compris aux GrĂŒnen Ă diffĂ©rer une fois de plus les mesures les plus Ă©lĂ©mentaires et les plus urgentes pour rĂ©duire et ralentir la catastrophe en cours, quand il ne justifie pas des retours en arriĂšre comme la relance du nuclĂ©aire et du charbon. Nous plaidons donc en faveur de lâouverture de nĂ©gociations qui devraient associer, non seulement les deux belligĂ©rants directs Russie et Ukraine mais lâensemble des parties au conflit, dont font partie les puissances occidentales, sous lâĂ©gide de lâOnu et de la ConfĂ©rence sur la sĂ©curitĂ© et la coopĂ©ration en Europe. Et câest bien pourquoi, plus haut, nous avons souhaitĂ© voir la gauche radicale de tous les Etats occidentaux sâengager dans des mobilisations visant Ă faire pression sur leurs » gouvernements pour quâils abandonnent leur posture guerriĂšre et sâengagent sĂ©rieusement sur la voie de telles nĂ©gociations. Ajoutons que lâouverture de ces derniĂšres serait possible mĂȘme sans un cessez-le-feu prĂ©alable somme toute, les nĂ©gociations entre le Vietnam et lâOccident ont durĂ© cinq ans 1968-1973 alors que, simultanĂ©ment, les combats ont connu des moments dâune intensitĂ© sans Ă©gale jusquâalors. Ă la fin de notre article nous avions formulĂ© quelques propositions quant aux positions que devrait adopter la gauche anti-impĂ©rialiste en vue de telles nĂ©gociations. Elles demeurent valables. Mais nous reprenons ici lâune dâentre elles en la complĂ©tant au vu de lâĂ©volution de la situation depuis lors RĂ©affirmer le droit de tous les peuples nations, nationalitĂ©s, minoritĂ©s nationales, etc. de la rĂ©gion Ă disposer dâeux-mĂȘmes Ă se donner la forme politique quâils choisiront au terme dâun processus dĂ©mocratiquement organisĂ© et internationalement contrĂŽlĂ©, dans un cadre qui ne menace aucun dâentre eux. ». La rĂ©solution de la guerre civile, qui se dĂ©roule depuis 2014 dans le Donbass, exige Ă©galement des pourparlers et lâorganisation, sous contrĂŽle dâobservateurs internationaux garants des intĂ©rĂȘts de toutes les parties concernĂ©es, dâun rĂ©fĂ©rendum sur la dĂ©finition de son statut. Le cas de la CrimĂ©e, annexĂ©e Ă titre de rĂ©plique aux Ă©vĂ©nements de 2014 et, dĂ©jĂ , Ă lâenvoi dâarmes par lâOtan en Ukraine, demande aussi la recherche dâune semblable solution Ă©quilibrĂ©e. 9. Toutefois, dans la situation actuelle, la gauche anticapitaliste et anti-impĂ©rialiste ne saurait se limiter Ă formuler des propositions concernant la seule guerre en Ukraine. Dans le contexte de la crise multidimensionnelle du capitalisme sĂ©nescent, le champ de bataille sâĂ©largit bien au-delĂ des plaines ukrainiennes. Et câest dĂ©jĂ ce que nous signalions en introduction Ă notre prĂ©cĂ©dent article. Dâune part, aprĂšs les rĂ©cents sommets du G7 en BaviĂšre et de lâOtan Ă Madrid, il nây plus de place pour le doute. Pour lâheure, Ă la faveur de lâimplication de lâOtan dans le conflit russo-ukrainien, les Etats-Unis sont parvenus Ă enrĂŽler toute lâEurope dans leur stratĂ©gie de rĂ©affirmation non seulement de leur hĂ©gĂ©monie au sein du monde occidental mais encore de leur volontĂ© dâexercer seuls un leadership mondial, en ne tolĂ©rant aucun autre rival stratĂ©gique. AprĂšs lâeffondrement du socialisme rĂ©ellement existant », le monde bipolaire dâaprĂšs 1945 sâest effondrĂ© lui aussi, en volant en Ă©clat. Prenant appui sur la transnationalisation du capital favorisĂ©e par les politiques nĂ©olibĂ©rales de libĂ©ralisation et de dĂ©rĂ©glementation, de nouveaux pĂŽles dâaccumulation du capital ont eu tendance Ă Ă©merger parmi certaines formations antĂ©rieurement semi-pĂ©riphĂ©riques ou mĂȘme pĂ©riphĂ©riques Chine, Inde, Russie, BrĂ©sil en sont les principales. Parmi elles, la Chine se pose de plus en plus en candidate Ă faire partie du club trĂšs fermĂ© des puissances centrales, voire Ă y occuper le premier plan, bousculant ainsi les positions antĂ©rieures des vieilles puissances centrales. Câest ce que les Etats-Unis nâentendent pas permettre, en Ă©tant prĂȘts Ă tout pour faire Ă©chouer un pareil scĂ©nario. Mais ils ne peuvent y parvenir quâen sâassurant le concours dâalliĂ©s vassaux serait plus exact tant sur le théùtre asiatique câest le sens de lâAukus, le traitĂ© conclu entre lâAustralie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis couvrant lâespace indopacifique que sur le théùtre europĂ©en via lâOtan, en attendant de rĂ©unir les deux. Lors du rĂ©cent sommet de lâOtan Ă Madrid, son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral a dâailleurs affirmĂ© quâelle avait vocation Ă sâĂ©tendre bien au-delĂ du seul théùtre europĂ©en vers le théùtre indo-pacifique. Nous sommes convaincus que le conflit que lâOccident mĂšne actuellement contre la Russie par Ukraine interposĂ©e en prĂ©pare un autre de plus grande ampleur encore contre la Chine, dont les derniĂšres provocations la visite de Nancy Pelosi Ă Taipei constituent les prodromes. Et il est de la responsabilitĂ© de la gauche anti-impĂ©rialiste de dĂ©noncer ces prĂ©paratifs de guerre. Dâores et dĂ©jĂ , Ă la faveur de leur implication conjointe dans la guerre en Ukraine, Biden a rĂ©ussi Ă obtenir en quelques semaines ce que nâavait pas rĂ©ussi Trump durant tout son mandat tous les gouvernements europĂ©ens, membres de lâOtan ou non, se prĂ©cipitent pour se mettre en conformitĂ© avec la rĂšgle imposant que 2 % de leur PIB soient consacrĂ©s Ă leurs dĂ©penses militaires. Dans ces conditions, le fameux projet, tant vantĂ©, dâintĂ©gration politique de lâUnion europĂ©enne, non seulement disparaĂźt de lâagenda mais encore se trouve radicalement transformĂ© son intĂ©gration politique sâest muĂ©e ipso facto en son intĂ©gration carrĂ©ment militaire sous les auspices de lâOtan. Dans ces conditions, le dĂ©ficit dĂ©mocratique » de lâUnion, dont se plaignaient des europĂ©anistes de bon aloi, qui Ă©tait dĂ©jĂ un euphĂ©misme, est devenu franchement une farce. Et il appartiendrait aussi Ă la gauche radicale de dĂ©noncer toute cette Ă©volution prĂ©cipitĂ©e plutĂŽt que faire silence Ă son sujet sous prĂ©texte quâelle servirait les intĂ©rĂȘts du peuple ukrainien. Dâautre part, les classes dominantes profitent dâores et dĂ©jĂ des retombĂ©es de cette guerre pour enclencher un nouveau cycle de politiques nĂ©olibĂ©rales brutales en Europe et pour chercher Ă y rĂ©duire Ă nĂ©ant ce qui reste encore de miettes de la dĂ©mocratique libĂ©rale. Le champ de bataille ukrainien sâĂ©largit ainsi en champ de bataille de classes. DĂ©jĂ la ministre des Affaires Ă©trangĂšres allemande, ayant troquĂ© ses habits verts pour le treillis, suggĂšre au gouvernement allemand de se prĂ©parer Ă faire face au danger de possibles mouvements de rĂ©volte populaire[30]. Il serait temps aussi pour la gauche radicale de se rappeler que notre ennemi principal se trouve ici, dans nos mĂ©tropoles, et quâil nous revient dâorienter tous nos efforts pour combattre les stratĂ©gies de plus en plus explicites de nos » classes dominantes visant Ă anĂ©antir ce qui reste du mouvement ouvrier par une politique de la terre brĂ»lĂ©e. Face aux convulsions dâun capitalisme en proie Ă des contradictions et conflits de plus en plus violents, il nous semble que la position politique juste est celle qui, dâune part, assure lâautonomie maximale de nos positions politiques par rapport Ă toutes les autres et qui, dâautre part, tient compte dâabord et surtout de lâintĂ©rĂȘt des classes populaires, du prolĂ©tariat en particulier, notamment dans sa dimension internationale. La rĂ©affirmer et la tenir est le meilleur secours que nous puissions apporter au peuple ukrainien. * Illustration Taamira », Hamed Abdalla, 1937. Avec lâaimable autorisation de Samir Abdalla. Notes [1] [2] La formule se trouve employĂ©e par LĂ©nine dans un article publiĂ© le 12 juin 1920 et reproduit dans Ćuvres, Tome 31 avril â dĂ©cembre 1920, Paris, Editions sociales, 1961, page 168. Dans cet article, LĂ©nine dĂ©finit lâanalyse concrĂšte dâune situation concrĂšte » comme la substance mĂȘme, lâĂąme vivante du marxisme ». [3] Dâautres que nous ont dĂ©fendu des positions similaires ou voisines, entre autres Stathis Kouvelakis lâinvasion de lâUkraine par la Russie sâinscrit dans un contexte plus large, façonnĂ© par lâĂ©tat des rapports de force au niveau europĂ©en et mondial. Or, et câest le point dĂ©cisif, sur lequel je reviendrai dans un instant, ceux-ci restent dominĂ©s par lâimpĂ©rialisme Ă©tatsunien et ses alliĂ©s du âcamp occidentalâ, qui portent une lourde responsabilitĂ© dans lâescalade de la tension ayant conduit Ă la guerre actuelle » La guerre en Ukraine et lâanti-impĂ©rialisme aujourdâhui. Une rĂ©ponse Ă Gilbert Achcar », Contretemps, 7 mars 2022 ; David Mandel ⊠le but de cet article est de fournir, dans la mesure du possible dans un espace aussi limitĂ©, les Ă©lĂ©ments contextuels nĂ©cessaires absents des comptes rendus officiels et des grands mĂ©dias canadiens. Ces Ă©lĂ©ments montreront que lâOTAN et le gouvernement ukrainien partagent, ainsi que la Russie, une lourde responsabilitĂ© dans la guerre » The War in Ukraine Truth is the Whole », The Bullet, 13 mars 2022, ; Alex Callinikos La guerre en Ukraine est une bataille entre rivaux impĂ©rialistes, alimentĂ©e par la concurrence capitaliste ⊠les puissances impĂ©rialistes occidentales instrumentalisent la lutte nationale ukrainienne contre lâimpĂ©rialisme russe pour leurs propres intĂ©rĂȘts » Le grand coup de force lâimpĂ©rialisme et la guerre en Ukraine », Revue LâAnticapitaliste, n°134, avril 2022 ; Noam Chomsky En revanche, lâinvasion russe de lâUkraine a sans aucun doute Ă©tĂ© provoquĂ©e â cependant, dans le climat actuel, il faut ajouter le truisme selon lequel la provocation ne justifie pas lâinvasion. Une foule de diplomates et dâanalystes politiques amĂ©ricains de haut niveau ont averti Washington depuis 30 ans quâil Ă©tait imprudent et inutilement provocateur dâignorer les prĂ©occupations de la Russie en matiĂšre de sĂ©curitĂ©, notamment ses lignes rouges pas dâadhĂ©sion Ă lâOTAN pour la GĂ©orgie et lâUkraine situĂ©es dans le cĆur gĂ©ostratĂ©gique de la Russie » Propaganda Wars Are Raging as Russiaâs War on Ukraine Expands », interview Ă Truthout, 28 avril 2022, Edgar Morin LâUkraine est martyre non seulement de la Russie, mais de lâaggravation des relations conflictuelles entre Ătats-Unis et Russie avec Ă©videmment la question de lâĂ©largissement de lâOtan, lui-mĂȘme insĂ©parable des inquiĂ©tudes suscitĂ©es par la guerre russe en TchĂ©tchĂ©nie et son intervention militaire en GĂ©orgie. Le salut de lâUkraine nâest pas seulement de se libĂ©rer de lâinvasion russe, mais aussi de se libĂ©rer de lâantagonisme entre la Russie et les Ătats-Unis. Cette double libĂ©ration permettrait aux nations de lâUnion europĂ©enne de sâaffranchir de ce conflit et de lier sĂ©curitĂ© et autonomie » Marianne, 4 mai 2022 ; Vincenç Navarro Il existe un conflit, principalement entre lâOTAN dâun cĂŽtĂ© et la Russie de lâautre, qui atteint sa dimension militaire dans la guerre en Ukraine, qui crĂ©e une crise Ă©norme qui affecte de maniĂšre trĂšs nĂ©gative le bien-ĂȘtre de la majoritĂ© de la population mondiale, Ă la fois du Nord et du Sud et dâun bloc et de son opposĂ©, y compris aussi ceux qui ne sont dans aucun bloc. Et ce qui est trĂšs inquiĂ©tant, câest que, comme dans toute guerre, les grands mĂ©dias participent Ă cette guerre, se transformant en moyens de promotion et de propagande plutĂŽt que dâinformation » El conflicto entre la OTAN y Rusia centrado en la guerra de Ucrania era previsible, predecible y evitable ÂżPor quĂ© continĂșa? », PĂčblico, 27 juillet 2022, [4] Dans une interview donnĂ©e Ă SheerPost le 17 juin 2022 soit largement aprĂšs la rĂ©daction de notre article, Noam Chomsky apporte toute une sĂ©rie dâinformations supplĂ©mentaires sur lâamplification et lâaccĂ©lĂ©ration du processus dâintĂ©gration rĂ©elle sinon formelle de lâUkraine dans lâOtan aprĂšs 2014, encore accrues aprĂšs la prise de fonction de Biden, et sanctionnĂ©es par la Charte de partenariat stratĂ©gique signĂ©e entre le secrĂ©taire dâEtat Antony Blinken en novembre 2021. Cf. In Ukraine, Diplomacy Has Been Ruled Out » [5] Cf. SĂ©bastien Abbet et alii, Une gauche enrĂŽlĂ©e dans un croisade antirusse sous banniĂšre Ă©toilĂ©e ? », [6] Voici le mail envoyĂ© Ă Ugo Palheta au lendemain de la publication de cette rĂ©ponse Cher Ugo, SĂ©bastien Abbet nous avait informĂ© de la rĂ©daction de cette rĂ©ponse. Câest une bonne chose que Contretemps lâait publiĂ©e par notre article, nous dĂ©sirions prĂ©cisĂ©ment ouvrir un dĂ©bat. Nous comptons dâailleurs le prolonger en prĂ©parant dâores et dĂ©jĂ une rĂ©ponse synthĂ©tique aux diffĂ©rentes rĂ©actions significatives que notre article a produites et qui nous ont Ă©tĂ© communiquĂ©es. TrĂšs cordialement, Alain Bihr ». [7] Dans une interview au Corriere della Serra du 3 mai 2022, celui-ci a en effet dĂ©clarĂ© Les aboiements de lâOtan aux portes de la Russie ont poussĂ© le chef du Kremlin Ă rĂ©agir et Ă faire la guerre Ă lâUkraine. Je ne sais pas si cette colĂšre a Ă©tĂ© provoquĂ©e, mais cela a aidĂ© la colĂšre Ă monter ⊠Il y a deux ans, Ă GĂȘnes Italie, un navire rempli dâarmes est arrivĂ©, tout devait ĂȘtre transfĂ©rĂ© sur un cargo puis acheminĂ© au YĂ©men. Les dockers ont refusĂ© de transborder le chargement. Ils ont dit nous pensons aux petits enfants du YĂ©men. CâĂ©tait un geste magnifique. Il en faudrait dâautres comme cela » Signalons aussi que des organisations aussi diffĂ©rentes que le Socialist Workers Party en Grande-Bretagne, Sinistra anticapitalista en Italie, Podemos et Anticapitalistas en Espagne, Syriza et le Parti communiste en GrĂšce, entre autres, se sont opposĂ©s Ă lâimplication de leurs pays respectifs dans cette guerre par lâenvoi en Ukraine dâarmes puisĂ©es dans leurs propres arsenaux. [8] Le rĂ©armement de lâAllemagne et la guerre en Ukraine », mis en ligne le 31 juillet 2022. [9] [10] Les mĂȘmes qui poussent Ă ce rĂ©armement se gaussent quelquefois de la faiblesse manifestĂ©e par les forces armĂ©es russes, tenues en Ă©chec ou du moins contenues par des forces ukrainiennes sensiblement infĂ©rieures, du moins sur le papier. Alors, la Russie, tigre de papier ou ogre capable de ne faire quâune bouchĂ©e de lâEurope ? [11] Rosa Luxemburg, La crise de la social-dĂ©mocratie, suivi de sa critique par LĂ©nine, Bruxelles, Ed. La taupe, 1970, p. 174. [12] Rappelons en passant, parmi dâautres exemples, la tragĂ©die du peuple kurde, exemple citĂ© par certains de nos interlocuteurs pour prouver que nous ne pouvons nous opposer Ă lâenvoi dâarmes Ă un peuple opprimĂ©, quand bien mĂȘme ces armes proviendraient des Etats-Unis ou de lâOtan. Les Etats-Unis ont en effet soutenu militairement les combattants kurdes, dans leurs propres intĂ©rĂȘts de croisade contre les djihadistes et les talibans. Cependant, cela ne les a pas empĂȘchĂ©s, peu de temps aprĂšs, sâorientant vers dâautres stratĂ©gies, de lĂącher cyniquement et sans scrupules les Kurdes pour les livrer ainsi, en proie facile, Ă lâarmĂ©e du prĂ©sident turc Tayyip Erdogan. [13] Roman Rosdolsky a sĂ©vĂšrement critiquĂ© les thĂšses dâEngels dans son ouvrage, Friedrich Engels et les peuples sans histoire ». La question nationale dans la rĂ©volution de 1848, Page 2 â Syllepse, 2018. Il cite aussi, hĂątivement, des textes de Rosa Luxemburg, dont celui intitulĂ© Fragment sur la guerre, la question nationale et la rĂ©volution, 1918 », texte qui mĂ©rite davantage notre attention dans le contexte actuel. Le dĂ©bat reste ouvert. [14] ⊠la dĂ©fense de la patrie est une pure fiction qui empĂȘche toute saisie dâensemble de la situation historique dans son contexte mondial », A propos de cet impĂ©rialisme dĂ©chaĂźnĂ© il ne peut plus y avoir de guerres nationales » Rosa Luxemburg, op. cit., p. 180 et 220. Elle a Ă©tĂ© jusquâĂ fĂ©liciter les deux dĂ©putĂ©s du Parti social-dĂ©mocrate serbe qui avaient refusĂ© de voter les crĂ©dits de guerre alors mĂȘme que lâEmpire austro-hongrois menaçait la Serbie Sâil y a y un Etat qui a pour lui le droit Ă la dĂ©fense nationale dâaprĂšs tous les indices formels extĂ©rieurs, câest bien la Serbie. PrivĂ©e de son unitĂ© nationale par les annexions de lâAutriche, menacĂ©e dans son existence nationale, acculĂ©e Ă la guerre par lâAutriche, la Serbie mĂšne une vĂ©ritable guerre de dĂ©fense pour sauvegarder son existence et sa libertĂ©. Si la position du groupe social-dĂ©mocrate allemand est juste, alors les sociaux-dĂ©mocrates serbes qui ont protestĂ© contre la guerre devant le parlement de Belgrade et qui ont refusĂ© les crĂ©dits de guerre sont tout simplement des traitres ils auraient trahi les intĂ©rĂȘts vitaux de leur propre pays. En rĂ©alitĂ©, les Serbes Lapchewitch et Kazlerowitch ne sont pas seulement entrĂ©s en lettres dâor dans lâhistoire du socialisme international, mais ont fait preuve dâune pĂ©nĂ©trante vision historique des circonstances rĂ©elles de la guerre, et par lĂ ils ont rendu un signalĂ© service Ă leur pays et Ă lâinstruction de leur peuple » Rosa Luxemburg, op. cit., p. 181. Nous ne donnons pas cette rĂ©fĂ©rence Ă titre de comparaison mais pour montrer la radicalitĂ© dont fait preuve la rĂ©volutionnaire dans le feu de lâaction politique. Voir aussi Rosa Luxemburg, Sur la rĂ©volution. Ăcrits politiques 1917-1918, Paris, Ăd. La DĂ©couverte, 2002. [15] CitĂ© par Rosdolsky, et ailleurs, p. 49 et 129 oĂč il nous livre les positions les plus violentes de R. Luxemb urg contre le principe de lâautodĂ©termination des peuples tout en les mettant en rapport avec les Ă©crits dâEngels. [16] Rosa Luxemburg, op. cit. [17] LĂ©on Trotsky, La question ukrainienne », 22 avril 1939, Ćuvres, 1939. Voir aussi, LĂ©on Trotsky, Le droit de peuples de disposer dâeux-mĂȘmes et la rĂ©volution prolĂ©tarienne », Entre lâimpĂ©rialisme et la rĂ©volution, Bruxelles, Ăd. La Taupe, 1970. [18] Etienne Balibar, [19] Nous nâexaminerons pas ici la question de savoir dans quelle mesure ce choix » est bien celui du peuple ukrainien en tant que tel ou plutĂŽt celui de ses dirigeants actuels. Rappelons simplement que, au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, les dirigeants ukrainiens, Ă©lus ou non, ont reprĂ©sentĂ© des options diverses sous ce rapport, les uns affirmant une orientation pro-russe, les autres une orientation pro-occidentale. [20] E. Balibar, idem. [21] Entretien avec Yuliya Yurchenko , La lutte pour lâautodĂ©termination de lâUkraine I », mis en ligne le 13 avril 2022. [22] Vitaly Dudin, La reconstruction de lâUkraine doit profiter Ă la population. Mais lâOccident Ă dâautres idĂ©es », mis en ligne le 28 juillet 2022. Lâauteur pense quâ Ă court terme la guerre de la Russie a affaibli le pouvoir des travailleurs ukrainiens. Mais Ă long terme, le mouvement ouvrier ukrainien pourrait se dĂ©velopper et amĂ©liorer les conditions dâemploi ». [23] Au demeurant, les autoritĂ©s ukrainiennes prennent actuellement elles-mĂȘmes les devants sur cette voie Le 19 juillet 2022, le parlement ukrainien a adoptĂ© le projet de loi 5371, qui a aboli les droits du travail pour 94 % des travailleurs ukrainiens. Cette loi introduit une libĂ©ralisation extrĂȘme des relations de travail, elle discrimine les employĂ©s de toutes les micro, petites et moyennes entreprises et les prive de protection syndicale et syndicale. Les syndicats ukrainiens se sont activement opposĂ©s Ă la promotion de ce projet de loi antisyndical pendant deux ans. MalgrĂ© de nombreuses mises en garde de la ConfĂ©dĂ©ration syndicale internationale, de la ConfĂ©dĂ©ration syndicale europĂ©enne et de lâOrganisation internationale du travail concernant lâincompatibilitĂ© de ce projet de loi avec les principes et les normes de la lĂ©gislation europĂ©enne, les conventions de lâOIT, les conclusions de scientifiques et dâexperts, le Parlement de lâUkraine lâa adoptĂ©. Parmi les consĂ©quences de lâadoption dâune telle loi figureront des violations massives des droits des travailleurs et de nouveaux dĂ©parts du segment le plus qualifiĂ© de la population Ă©conomiquement active dâUkraine. La situation est compliquĂ©e par la guerre sanglante dĂ©clenchĂ©e par lâagresseur russe contre le peuple ukrainien. » [24] traduit du grec. [25] Taras Bilous, La guerre en Ukraine, la sĂ©curitĂ© internationale et la gauche » mis en ligne le 14 juin 2022. [26] LĂ©on Trotsky, Une fois de plus LâUnion SoviĂ©tique et sa dĂ©fense » 4 novembre 1937, LâURSS dans la guerre » 25 septembre 1939, dans le volume LĂ©on Trotsky, DĂ©fense du marxisme, Paris, 1972. Dâautres textes dans ce volume portent sur la dĂ©fense sans conditions de lâURSS face Ă la guerre imminente ainsi que sur la question finlandaise que nous avons prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e la guerre dâHiver ». [27] On peut se rĂ©fĂ©rer notamment aux prises de position dâEdgar Morin dans diffĂ©rents articles quâil a donnĂ©s Ă Marianne au cours des mois de mai et juin dernier, dont nous avons citĂ© certains plus haut et dont nous nous inspirons ici pour partie. [28] Entretien de Taras Bilous, Humanitarian aide is not enough » mis en ligne le 22 juin 2022. [29] Taras Bilous, idem. [30] La ministre allemande des Affaires Ă©trangĂšres Annalena Baerbock Verts sâattend Ă des troubles en Allemagne si les livraisons de gaz en provenance de Russie devaient complĂštement disparaĂźtre. »
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